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dimanche 6 mai 2012

Poussière orpheline

Le but c'était de faire une nouvelle de science-fiction.
 Alors comme j'ai jamais lu de bouquin et que je sais pas trop ce que c'est la science-fiction, j'me suis défoncé en disant que p'têt que l'inspiration fera le reste.
J'me demande si un un récit autobiographique ça fera l'affaire...

 Mes fiancées sont de belles hantises, adhésives à mes propos. Dès le berceau, à l'heure où d'innombrables foetus se faisaient savourer en route par les cigognes qui mourraient de faim, elles m'ont cousu la bouche par leurs salaces baisers. Mes pleurs sont désormais l'unique prétexte pour montrer mes dents, qui auraient pu désarmer les amantes héréditaires, si j'avais su grignoter les foetus à la place des cigognes, à l'époque. Et c'est pourtant quand on ne sait pas encore marcher que le monde nous paraît plus accessible.
 Ce soir il n'est pas encore cinq heures que tous les chats sont gris, les mélodies gribouillées sur les murs me valent un troisième cendrier rempli depuis le réveil. J'y baigne mes six doigts, et peint de jolies fresques sur les murs mornes qui font rebondir les arpèges du piano désaccordé. Voici seize ans que j'essaie de divorcer avec le silence ambiant, alors qu'une douce fait son apparition, et tenace, elle se cramponne à mes poumons en croquant bronchiole sur bronchiole. Même les accords les plus sourds n'ont pas su lui couper sa faim. Malgré qu'elle m'aime d'amour, elle s'obstine à prier ma fin. De jolies journées palindromiques se succèdent, en plus des cendres écrasées contre le verre, les murs et les doigts du piano, c'est du sang de ma trachée qui s'y mêle. Les brûlures sur le plancher ne deviennent qu'un arrière-plan décoratif. J'ai beau hurler ma fin en silence, mes amantes continuent à prier pour elle en perçant mes tympans.
 Voici seize ans que j'observe chaque nuit la mer s'essuyer sur les nuages, tandis qu'ils pleurent dessus comme d'éphémères enfants qui l'ont aimée. Voici seize ans que j'invente mes propres constellations, seize ans que les cigognes ne m'ont toujours pas retrouvé, et pourtant mes os craquent à chaque danse. De jolies nuits palindromiques se succèdent, après que le soleil se soit couché à l'est, le piano joue tout seul, les peintures bougent toutes seules et me réveillent chaque heure en me tapant sur l'épaule, ma maîtresse me vide de mon eau, tous les chats sont blancs.
 A chaque réveil, une ride disparaît et mon écorce est pâlie. Mes os craquent toujours mais ils raccourcissent, et étranglent mon épiderme. Je redeviens enfant, les peintures déteignent, sûrement grâce à la lumière des étoiles, celles que j'ai baptisé, Stérope ou encore Cynosura. Le piano continue de jouer tout seul, des airs de comptines abandonnées. Tout redevient ravissant, et même les brûlures sur le plancher disparaissent. Les journées palindromiques se succèdent, je m'invente des balançoires, je saute de constellation en constellation en chantant. Où sont passées mes belles ? Je n'entend plus leurs prières. Mais voilà qu'on frappe à la porte, voici seize ans que cela n'est pas arrivé. Le temps d'une valse, mes os ne craquent plus et j'ouvre en dessinant mon plus beau sourire.
Les cigognes m'ont retrouvé.

jeudi 3 mai 2012

Aux cadavres balancés dans les ronces, ainsi qu'aux foetus mangés en route par les cigognes


Pendant un instant, j'ai posé mes yeux sur un balcon, et j'y ai vu la mer s'essuyer sur les nuages tandis qu'ils pleuraient dessus, comme d'éphémères enfants sages qui l'ont aimée. Ce spectacle m'a coûté une extinction de voix. Je te crie "Je t'aime", et toi tu t'endors. Je te crie "Je t'aime", et toi tu t'endors. Je t'écris "Je t'aime", et toi tu t'en moque. Sur les trottoirs, les promeneurs de chiens me prennent sûrement pour un fou à marcher sur les bordures, comme si j'attendais le moment de tomber sous une roue de voiture. Moi j'ai juste l'impression de jouer avec tout ça, les habitudes, la vie et ce que pensent les promeneurs de chiens. Tu as beau perdre tes plumes au sol, personne ne le remarque, mais c'est sur elles qu'on s'endort. C'est sur elles que je rêve, quand je ne rêve pas sur un rebord de trottoir.
Je vois les étoiles comme personne ne les voit, j'emmerde les constellations, j'ai inventé les miennes, depuis que ta brume a quitté le port, maintenant j'habite avec le silence, celui qui me chantonne à l'oreille des mélodies inconnues, celles qu'on aime réécrire. C'est sur elles qu'on s'endort, quand on s'endort pas sur un rebord de trottoir.
Y a des héros dans l'espace qui recherchent des endroits cachés, mais y a que le silence pour les comprendre. Ils avaient l'habitude d'être des cadavres ambulants, des nouveaux-nés oubliés, les premiers sons des vagues. Mais faut les pardonner comme les bateaux qui coulent, comme les sirènes qui chantent pour les foules.
Don't be afraid, centipede ghosts doesn't exist.
Je te crie "Je t'aime", et toi tu t'endors.
Je t'écrirais le plus beau des poèmes à ton réveil, mais quand tu l'aura lu,
ne trouble pas mon sommeil.